Lettre ouverte au directeur de la publication de Charlie Hebdo.
Treize familles françaises sont en deuil depuis l’accident tragique survenu en plein combat dans le Nord-Mali dans la soirée du lundi 25 novembre. Treize familles qui pleurent un fils, un frère, un mari, un compagnon ou un père. Parmi ces Français touchés au cœur, treize enfants, dont un à naître, pour qui leur père restera à jamais un « illustre inconnu ». Ils vénéreront sans doute à l’âge de raison son sens du devoir, mais souffriront toujours de n’avoir pas mieux connu cet homme qui les serrait affectueusement dans ses bras une dernière fois avant de partir au combat.
Pourtant, le temps du deuil de ces familles a été sali par des caricatures terriblement outrageantes dont votre journal a assuré la diffusion. Si l’indignation m’a d’abord gagné, c’est surtout une peine immense qui m’envahit en pensant au nouveau chagrin que vous infligez à ces familles déjà dans la souffrance. Une peine doublée d’une incompréhension profonde. Qu’avons-nous donc fait, soldats de l’armée de Terre, pour mériter un tel mépris ? Qu’ai-je manqué moi-même, chef d’état-major de l’armée de Terre, dans l’explication du sens profond de notre engagement, pour qu’avec une telle désinvolture soient raillés ceux qui ont donné leur vie afin que soient justement défendues nos libertés fondamentales ?
Les soldats de l’armée de Terre sont au service de tous les Français, de tous ceux qui croient au souverain bien qu’est notre liberté. Ils chérissent profondément la paix qu’ils souhaitent à leurs compatriotes. Ils la chérissent tant qu’ils ont choisi de tout risquer pour la défendre, jusqu’au sacrifice de leur propre vie. Nous leur devons le respect. Nous devons la compassion à leurs familles.
Lundi prochain, 2 décembre, nous leur rendrons un dernier hommage et leur dirons adieu, dans la cour des Invalides, réceptacle de tant de souffrances supportées pour que vivent notre âme française et notre liberté. Je vous invite, avec sincérité et humilité, à vous joindre à nous ce jour-là, pour leur témoigner vous aussi, qui avez souffert dans votre chair de l’idéologie et de la terreur, la reconnaissance qu’ils méritent.